Faut-il tirer un trait sur le MBTI en raison de son échec à convaincre la science ? Tout dépend de l’usage que vous souhaitez faire d’un modèle psychologique.
Si vous êtes un chercheur étudiant le lien entre la personnalité des gens et certains comportements (des habitudes de consommation, par exemple), le MBTI pourrait ne pas vous suffire. Vous auriez alors besoin d’invoquer d’autres modèles, comme le Big Five.
Si votre but est de mieux comprendre votre personnalité et celle des autres, de progresser en tant qu’individu, alors, devinez quoi : le fait qu’un modèle soit scientifiquement valide ou non n’a aucune importance !
Du moins, ce n’est pas le critère principal à considérer.
Prenons un exemple concret. Je ne crois pas en l’astrologie. J’entends par là : je ne crois pas que la position des astres dans le ciel au moment de ma naissance ait pu influencer significativement ma personnalité ou mon destin. Ainsi, de mon point de vue, les signes astrologiques sont des étiquettes apposées de façon arbitraire, et les symboles associés aux planètes me paraissent tout aussi hasardeux. Je pense que l’astrologie exploite l’effet Barnum pour nous amener à nous reconnaître un minimum dans notre signe ou notre thème astral (avec notre ascendant, notre Lune, etc.). Et ce, en ignorant le fait que d’autres configurations auraient sans doute été plus fidèles à notre cas.
J’ai le poil qui se hérisse lorsqu’on compare le MBTI à l’astrologie, alors que le MBTI type les gens en fonction de leurs comportements observables (on part du réel et on l’interprète) et non en fonction d’un critère arbitraire, tel que leur date de naissance (on impose une interprétation et on essaye de faire rentrer le réel dedans, même s’il n’y correspond pas). A défaut d’être validé par la science, le MBTI s’inspire au moins d’une démarche scientifique.
Dans le cas présent, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? M’est avis que non. J’ai rencontré plusieurs passionnés d’astrologie, pour qui la discipline avait été d’une aide précieuse. En analysant leur thème astral, ils avaient conscientisé des informations importantes et fait un bond immense dans leur cheminement personnel. Ils parvenaient à mieux comprendre diverses situations dans leur vie (familiales, professionnelles, amoureuses…), à mieux cerner les motivations profondes des autres et à être plus sereins, grâce à l’astrologie. Peut-être que ces bénéfices ne sont dus qu’à un effet Barnum carabiné : en attendant, ils existent. Les émotions que ces gens ont ressenties existent. Les déclics dans leur cerveau ont vraiment eu lieu.
En ce qui me concerne, avoir conscience du caractère non-scientifique de l’astrologie ne m’empêche pas d’étudier sa symbolique, vaste et profonde, de m’inspirer des « énergies » des différents signes, et de tirer de mon thème astral des éléments intéressants… L’astrologie est basée sur des patterns suffisamment universels pour être appliquée au quotidien d’un occidental en 2021 : n’est-ce pas fascinant ? Elle n’est qu’une grille de lecture du monde parmi d’autres, que chacun est libre de s’approprier. Et tant qu’elle n’est pas associée à des dérives sectaires, je ne vois pas en quoi ceci poserait le moindre problème.
Le MBTI vous apporte-t-il du positif ? C’est la première question que vous devriez vous poser. Si vous avez commencé à étudier le modèle et à l’appliquer dans votre quotidien, c’est à priori parce que vous lui avez reconnu une certaine utilité. Si le MBTI constitue un véritable soutien, a amélioré des aspects de votre vie, vous avez la preuve que son usage est pertinent. Est-il important qu’il fonctionne à l’échelle de la population, dès lors qu’il fonctionne pour vous, dans votre contexte personnel, tout en ne faisant de mal à personne ?
Qu’on se le dise : la science, c’est merveilleux, c’est vital, et on a toutes les raisons de la chérir. Je suis bien contente (et vous aussi, certainement) qu’elle soit là pour nous construire des ordinateurs, inventer des remèdes contre les maladies, générer, stocker et transporter de l’électricité… Il y a des domaines où il me paraît nécessaire de placer la science au cœur des procédés : vous n’avez pas envie que l’ingénieur qui conçoit votre future voiture torche ça au pifomètre, ni moi, ni personne ! Je suis la première à m’énerver devant l’ingratitude de certains vis-à-vis du génie scientifique et tout ce qu’il a pu nous apporter. Cependant, il me paraît légitime de se demander jusqu’où l’on permet à la science de s’immiscer dans nos vies…
La science doit-t-elle valider tout ce que vous faites ? Devez-vous renoncer à d’autres façons d’interpréter les choses, dès lors que la science a émis un avis dessus ? Avez-vous besoin d’une méta-étude pour constater que cette édition augmentée des Fables de La Fontaine qui traîne dans votre grenier fait un excellent cale-porte ? Demandez-vous l’avis de la science pour choisir la couleur de votre papier peint ? (D’accord, ça, ça m’est déjà arrivé de le faire, mais c’était parfaitement dispensable…)
Il y a une différence entre consulter la science avant de prendre vos décisions, et laissez la science prendre toutes les décisions à votre place. Ce n’est pas un mal en soi de considérer la science comme le gouvernail de son existence : certaines personnes s’en remettent au consensus scientifique chaque fois que c’est possible, et sont très satisfaites de ce choix. Est-ce votre cas ? Pensez-vous qu’abandonner le MBTI en raison de son invalidité scientifique vous apporterait plus de bénéfices (en rassurant une part de vous ayant besoin d’une certaine validation extérieure, par exemple) que de pertes ?
A mon sens, les réactions de défiance au prétexte que le MBTI n’est pas scientifiquement approuvé traduisent un certain rapport à la science. Un rapport qu’il pourrait être enrichissant pour vous de questionner. Quelle place doit prendre la science dans votre appréciation du MBTI ? D’une manière plus générale, à quel point la science devrait-elle faire autorité dans votre parcours individuel ? Vous seul pouvez répondre à cette interrogation.
J’ai conscience que cet article vous laisse avec plus de questions que de réponses… Toutefois, cette problématique me paraît relever bien plus du domaine du subjectif, de notre rapport personnel à la science en tant qu’instance, que du domaine des études et des statistiques.
La Chouette
7 réflexions sur “MBTI ET VALIDITÉ SCIENTIFIQUE”
Le problème du MBTI n’est pas qu’il “n’est pas validé” par la science. C’est qu’il a été invalidé par la science. La nuance est de taille et il m’est difficile de prendre au sérieux un article qui ne la prend pas en compte.
INTJ, je me suis amusé ces dernières années à explorer la théorie MBIT avec mon cercle d’amis : le résultat était étonnant car il corrélait parfaitement avec les métiers préconisés et même le plus souvent avec le titre. Une amie, juriste est du type INFJ: l’Avocat. Un autre ami, qui a longtemps travaillé à des fonctions officielles dans des ambassades est de type Consul, ESFJ.
Moi-même suis architecte logiciel, comme beaucoup de INTJ de ma connaissance, ce qui est conforme aux prévisions du modèle.
Si le MBTI est peu utilisé en France, c’est en raison d’un anti-américanisme primaire. Les tests à la sauce française sont très peu fiables en comparaison.
Bravo pour votre site, le contenu est très pertinent.
J’utilise le MBTI pour parler de la personnalité des gens avec une grille de lecture qui permet de mettre le doigt sur les éléments pertinents.
Parce qu’une discussion lambda sur la personnalité des gens, ça peut ressembler à ça : “-il est hyper extraverti, il parle tout le temps. – non je pense plutôt qu’il est introverti, il ne parle jamais de ses ressentis”. “-Elle est très sensible. -non c’est faux, elle est hyper centrée sur elle même”.
Les gens emploient les mêmes mots pour renvoyer à des réalités différentes et donc ne se comprennent pas vraiment entre eux. Et en plus, ça reste très superficiel. Utiliser le MBTI comme grille de lecture, même si ce n’est pas parfait, permet au moins de savoir de quoi on parle et de se comprendre avec une personne qui utilise la même grille de lecture. C’est aussi un peu plus profond.
Mais en vrai, l’astrologie peut remplir exactement la même fonction. Les archétypes qu’elle utilise fonctionnent bien, ils mettent en lumière des traits qui existent effectivement chez les vrais gens. Il faut juste oublier cette histoire de les associer à une date de naissance.
Perso j’ai vraiment du mal avec le Big five que je trouve limité. Le MBTI est encore un peu en avance sur notre temps et un peu complexe par rapport au monde du travail qui cherche du simple et efficace. Il aura son heure de gloire dans 50 ans (peut être)
Article très intéressant comme toujours !
Après avoir déprimé des nuits entières sur le gâchis que cela représentait de ne pas se servir du MBTI, j’avais finis par mettre le label “gros con” sur tous ceux qui me sortaient l’argument comme quoi ce n’est pas validé par la science donc ça ne sert à rien (et dans mon infinie rationalité de Ti-dom il m’en a fallu du temps pour revoir ma vision, ah ça !) Aujourd’hui je me contente de dire si ça te sert tu prends sinon bah tant pis. Cet article exprime avec plus de justesse (et surtout plus de diplomatie) ma position par rapport au sujet donc j’enverrai directement le lien aux futurs détracteurs que je croiserai ~.~
Bien à vous chère chouette !
J’ai l’impression de voir de la pensée extravertie dans l’argumentation à la fin :
“Franchement, ça marche, non? c’est utile! vous vous comprenez mieux! alors pourquoi se poser tant de question? continuez!”
Mais ça a peut-être simplement retenu mon attention car je te sais INTJ (l’explication de la différence perçue de fiabilité avec le Big Five me paraît être dans une veine plus Ti, je me trompe? Les autres arguments me paraissent neutres)
Bonjour Champi,
En effet, j’ai un point de vue très Te sur la question : l’important, c’est le résultat. 😉 Après, s’il y a des gens que ça dérange, par principe, d’utiliser un truc non-validé par la science, ils sont libres de choisir leurs outils.
Pour le reste, je ne sais pas si c’est du “Ti”… Mais ce n’est pas impossible, étant donné que Ni-Te produit souvent des réflexions ressemblant à Ti. (Bien que le processus soit différent, la conclusion est similaire.)
La Chouette